Voilà un titre polysémique, ne manquera pas de penser le lecteur en attaquant la lecture du premier ouvrage de Bernard Jannin, prestement débité en sept ''morceaux'', autant de chapitres. Mais, en fait, il s’agit bien d’une boucherie pour de vrai, ou presque, celle de Richard Croquard, commerçant qui exerce dans un petit patelin bien de chez nous à la fin des années 1950.
Madame est à la caisse – qui écrit des romans à ses heures perdues. Monsieur virevolte dans son échoppe sous l’œil attendri des clientes. Dans l’arrière-salle officie le commis, timide, pas trop dégourdi. Voilà pour les personnages de ce ''théâtre carné''. Bonheur figé et provisoire de ce commerce de proximité, comme on ne disait pas encore à l’époque, qui va bientôt sentir passer le vent destructeur de la modernité. Les abattoirs se mettent au goût du jour, la concurrence s’exacerbe, les grandes surfaces apparaissent… Exit la boucherie Croquard !
Et puis, tout à la fin, quand le lecteur a bien mijoté dans ce drôle d’univers mi-documentaire mi-onirique, le titre livre sa deuxième facette et nous projette soudainement dans l’arrière-boutique mentale du boucher, dont la peau rosit, les soies poussent et qui s’adonne, la nuit venue, à la lecture des ''Trois petits cochons''. Il hante désormais la chambre froide de son négoce déserté où il opère ''la transmutation bizarre de sa quête d’absolu en éternité provisoire''… Si vous voulez avoir le fin mot de cette transmutation, de cette ''alchimie de chair et de temps'', lisez donc ce court récit jouissif et drolatique, vous serez servi !
Catherine Minot
« Une vraie boucherie », Bernard Jannin,
éditions Champ Vallon. En vente dans toutes les bonnes librairies-charcuteries.
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