On le doit à Patrick Cadour, créateur du blog "Cuisine de la mer" et auteur de "
Récits et recettes du ressac" dont nous avons déjà parlé ici. C'est aussi aux éditions de l'Epure. Et, ça vaut le coup de faire un petit arrêt sur son auteur : Patrick Cadour est à la fois un pur produit du Finistère et un grand voyageur. Il a bossé dans la finance avant de plonger les papilles les premières dans la bouffe où il excelle par son érudition, son écriture et ses recettes, bien sûr. Il vous raconte aussi bien le far breton que ses coquilles saint-jacques au beurre de curry.
Et là, Patrick Cadour nous revient avec un livre aussi inimitable qu'inattendu : "
L'art de ficeler". Bon, vous allez me dire ficeler un rôti, c’est aussi cool que changer la couche du petit dernier. Eh bien non, barder le rôti, c’est de l'art et du cochon, et du bœuf, et de l'agneau, et de veau… Et tout cela est raconté dans une langue truculente et décalée. En mise en bouche, Patrick Cadour nous prévient : "Que l’on ne s’y m'éprenne pas, il ne s'agit pas d'un ouvrage consacré aux techniques de ligotage ou autre procédé à contrainte fantasmatique, mais avant tout d'un livre de cuisine à la gloire de la ficelle, et des aliments qu'elle permet de cuisiner avec tenue et élégance".
Vous allez donc tout savoir pour attacher sur le billot, lier, ficeler, trousser, brider, entourer ou suspendre les aliments et améliorer ainsi leur préparation. Mais vous savez aussi qu’entre la cuisine et l'alcôve, il n'y a souvent qu'un pas et Patrick Cadour mijote la bonne chère et le pêché de chair. On lui doit ainsi un savoureux chapitre sur le string où il écrit : "Contrairement à la plaisanterie éculée selon laquelle "Aujourd'hui il faut écarter les fesses pour voir la culotte, alors qu'autrefois, il fallait faire l’inverse", le string est bien antérieur à la culotte de grand-mère ou de fillette. Dans nombre de peuplade primitives, on portait un simple cache-sexe, retenu par un cordon noué autour des hanches". En cuisine aussi, un seul tour de ficelle suffit le plus souvent, le minimalisme n’est pas réservé à la mise en valeur de croupes plus ou moins callipyges, affirme Patrick Cadour. Au passage, il nous rappelle que depuis la nuit des temps l'homme est un fameux rôtisseur qui a suspendu son steak de mammouth au-dessus de la braise à l'aide d’une lanière de cuir humidifiée. Nos ancêtres ont aussi inventé la barde, ces bandelettes de gras de porc qui entourent le rôti et lui évitent de sécher tout en étant doré et fondant.
Quant à la volaille, pour qu'elle soit élégante quand elle débarque sur la table du dimanche, il faut qu'elle soit troussée avec soin. Pas de panique Caroline, il s'agit de la ficeler, de façon à ce que les pilons et les ailes soient bien collés au corps, afin qu’ils ne sèchent pas quand on la rôtit, mais aussi pour que la bête conserve de la tenue à la cuisson.
Un petit cours de bondage et de momification culinaires avec l'une des prometteuses recettes que nous offre Patrick Cadour.
Prenez un magret de canard. Vous le parez, c'est-à-dire que vous enlevez l'excès de gras et les nerfs qui peuvent rester sur la viande. Vous mettez le magret dans du gros sel durant huit heures. Mais pas plus, au-delà, il deviendrait trop salé. Vous le rincez à l'eau et vous le séchez soigneusement. Vous préparez un mélange aromatique avec du thym, du piment d'Espelette, du poivre noir et des pruneaux secs broyés. Frottez le magret avec ce mélange, puis saupoudrez-le généreusement. Enroulez-le dans une bande de gaze pharmaceutique, bien serrée, en superposant trois ou quatre couches. Entourez le tout avec de la ficelle pour maintenir le tissu, et suspendez dans un endroit frais et bien aéré. A défaut, vous pouvez l'attacher à une grille de votre frigo. Consommez quinze jours plus tard, mais entre-temps, surveillez que de l'humidité n’imprègne pas l'étoffe, ce serait le signe d’une mauvaise ventilation.
Jacky Durand – France Culture "
Les mitonnages de Jacky", samedi 6 octobre 2018