Par méconnaissance, et par préjugés, on a vite fait d’associer les molécules de synthèse à quelques parfums cheap qu’on sent parfois dans les halls d’aéroport. Comme on se trompe !
D’abord, parce qu’il y a des molécules chimiques bien plus chères qu’un bel iris ou un jasmin rare. Ensuite, parce que l’on doit à la chimie organique les magni?ques notes lilas, lys ou muguet qu’on ne peut obtenir de manière naturelle – de nombreux végétaux ne se prêtant pas à la distillation.
À 70 ou 80 % (parfois davantage), un parfum est constitué de coumarine, d’alcool phénylé-thylique, d’Iso E Super ou de rhubofix. Certaines de ces molécules sont là pour faire la courte échelle à un beau jasmin naturel ou à une rose fraîche, en diffusant leur odeur, en l’illuminant, et d’autres, chargées d’une valeur hédonique propre, jouent une partition beaucoup plus personnelle : sentir bon tout simplement, et sentir différent.
Qui viendrait se plaindre de la présence du lycra ou du polyester dans une jupe en coton ou un pantalon de ?anelle ? La synthèse a fait exploser le potentiel expressif de la parfumerie en ajoutant des touches à l’orgue du compositeur de parfum comme autant de nouvelles couleurs à la palette du peintre, repoussé les limites de l’imaginaire, encouragé l’abstraction et suscité l’audace en libérant la parfumerie de la référence obligée à la nature.
Depuis six ans que j’écris sur le parfum, j’aime la fréquentation de ces « corps définis » comme les appellent les parfumeurs, corps synthétiques odorants et inspirants, belles matières parfois énigmatiques, insondables, drôles, qui me font complètement rêver. Oui, rêver.
Illusions olfactives, certaines de ces molécules dupliquent à la lettre la nature ; d’autres ont le talent de simuler et d’inventer de toutes pièces des odeurs qui n’existent nulle part.
J’ai imaginé ce livre comme une balade dans les souvenirs et les sentiments, une déclaration d’amour à quelques-unes de ces molécules à l’imagination débordante, et aux émotions nées de leur rencontre.
Lionel Paillès
Esprit de synthèse en librairie depuis le 22 octobre