LUI cuisine ? Lui, qui ça, lui ? Non, pas lui mais LUI… L’homme moderne, enfin plus exactement celui du XX
e siècle, qui avait son magazine, LUI. Avec ses filles court vêtues qu’on épingle en pages intérieures, ses pin-up quoi, ses pages politique tout ce qu’il y a de sérieux, interviews de Giscard et de Rocard à la clé, ses rubriques insolites genre “La défonce du consommateur”. Et aussi les fameuses chroniques gastronomiques de Ned Rival. C'est lui qui a rédigé “LUI cuisine”, ouvrage publié en 1971 aux éditions Filipacchi, que réédite aujourd’hui l’Epure.
Mettre cet
Homo modernus modèle 1960 aux fourneaux ? Envoyer en cuisine ce noceur qui rêve de belles bagnoles et de nuits mouvementées ? Oui, mille fois oui, car Daniel Filipacchi, qui a créé LUI en 1963, le connaît bien son lecteur : c’est un bon vivant, assoiffé de jouissances, avide de plaisirs. Dont le plaisir de la table, qui se doit d’être partagé car il ne saurait y avoir de gourmet solitaire. Amie, amante, épouse : toutes, elles y passeront toutes, au fil de ces 150 pages de recettes. A moins que ce ne soit Lui qui passe sous leurs fourche(tte)s caudines…
Cet aimable ouvrage au ton enlevé est découpé en trois chapitres, les trois temps du destin masculin : L’ami parfait ; L’amant délicat ; Le mari acceptable. Ils sont complétés par deux sections pratiques, l’une consacrée aux accessoires de cuisine, l’autre à l’art de découper viandes et poissons. Les recettes, simples mais non simplistes – un fonds de cuisine française traditionnelle mis au goût du jour –, sont adaptées à ces trois étapes de la vie d’un homme actif… Ainsi l’ail, “cette thériaque du pauvre”, est-il traité dans le chapitre de l’ami parfait tandis que les mouillettes du sybarite trouvent tout naturellement leur place dans la deuxième partie, la recette des œufs père de famille étant évidemment classée dans le chapitre du mari acceptable.
L’ensemble est saupoudré de citations et de conseils croustillants – juste ce qu’il faut. A noter : le chapitre Cocktails, ces “éperons à boire qui sont autant d’émerillons pour l’amour”, est signé de la main experte de Daniel Filipacchi. Quant à Topor, il sème à son aise, souvent en pleine page, ses dessins narquois balançant entre crudité et naïveté, cruauté et innocence.
Séducteur peut-être, mais sectaire certainement pas, “LUI cuisine” n’oublie pas de s’adresser à un lectorat féminin : “Les femmes y trouveront également leur compte car quelques-uns des plats décrits ici leur fourniront des armes précieuses, qu’elles désirent séduire un homme, se l’attacher ou le retenir.” Moralité : pour elle comme pour LUI, l’art de la table reste l’arme fatale !